
"C'est normal de faire ce que l'on veut dans la rue"
* Pensez à activer les sous-titres !
Une pratique sur le fil de la légalité
Nous avons, tous, au moins une fois rencontré des musiciens dans la rue. Variété française, musique pop, plusieurs genres musicaux y sont représentés. Mais cette pratique peut s’avérer difficile compte tenu de la législation en vigueur.
La problématique des autorisations n’est pas récente, elle remonte même au début des années 1990. Quiconque souhaitant organiser un évènement ou une représentation dans la rue est soumis à des dispositions administratives et techniques strictes. L’objectif du gouvernement de l’époque était de réglementer l’utilisation du domaine public. Cette codification concernait principalement les représentations ou spectacles. Deux types d’autorisations étaient alors nécessaires : l’autorisation d’occupation du lieu et l’autorisation d’ouverture au public.
Afin de régir l’occupation de la rue, notamment pour les manifestations, la ville de Lyon a créé, par arrêté du 25 juillet 1996, un dispositif permettant d’apporter une expertise dans le domaine de la sécurité des personnes lors des rassemblements. Il s’agit de la Commission Consultative Communale de Sécurité Publique. Selon l’importance des manifestations, les autorisations pour l’occupation du domaine public ne sont données qu’après consultation de cette entité.
" Lyon ne délivre pas d'autorisations sur le long terme"
Pour ce qui est de la pratique de la musique dans la rue, la ville de Lyon “ne délivre pas d’autorisations sur le long terme”, affirme Blanche, une agent de la mairie. En d’autres termes, les musiciens ne sont pas autorisés à se produire dans la rue. « Il n’existe aucune réglementation en vigueur et aucun texte ne prévoit l’octroi d’autorisation à long terme pour ces musiciens. Ils ne sont donc pas à l’abri de devoir décamper, poursuit-elle. Les seules autorisations que la mairie délivre sont pour des évènements ponctuels organisés dans l’espace public. » Cependant, dans la pratique, en fonction de l’emplacement où se situent les musiciens, des instruments et du matériel utilisés, cette autorisation peut devenir facultative.
En effet, tous les artistes ne sont pas systématiquement invités à plier bagage, alors que nombreux sont ceux à jouer sans y être légalement autorisés. « Je sais que dans certains endroits, les instruments comme les percussions sont interdits. Si des musiciens installent des amplificateurs ou des enceintes sonores, ils courent également le risque de se

Muriel Froment - Meurice a rédigé une thèse sur la gestion des indésirables à Paris.
faire déloger » note Muriel Froment-Meurice, enseignante-chercheuse à l’Université de Paris Nanterre, spécialiste des métiers informels de la rue.
Une institutionnalisation de la pratique
En plus de l’autorité municipale, dans certaines villes comme Paris, un nouvel acteur délivre des autorisations. Il s’agit de la Régie Autonome des Transports Parisiens (RATP). Depuis 1997, la RATP a mis en place l’Espace Métro Accord (EMA) qui délivre une accréditation aux musiciens qui jouent dans le métro parisien. Ce dispositif permet à ses détenteurs de jouer librement dans les transports sans être inquiétés. Néanmoins, tous les musiciens ne sont pas d’office accrédités. Ils doivent passer par un processus de sélection par un jury.
Ce système permet aux artistes d’avoir une certaine légitimité et de créer un nouveau profil de musiciens, devenus de vrais professionnels du métro. Des auditions sont organisées deux fois par an afin de sélectionner ceux qui recevront l’autorisation de jouer dans les transports. « Les membres du jury ne sont pas toujours des professionnels de la musique. Ce dernier est composé d'agents de la RATP et quelques fois, un producteur de musique ou un promoteur de spectacle est présent » précise Muriel Froment-Meurice.
« Ce système permet de favoriser certains musiciens qui entretiennent de bonnes relations avec les responsables de l’EMA. Ces derniers voient leurs accréditations perpétuellement renouvelées, ce qui réduit les chances des autres artistes, étant donné que le nombre de chanteurs accrédités est limité, poursuit-elle encore. Par ailleurs, l’un des objectifs visés par ce dispositif est de favoriser la diversité musicale. Mais en réalité, certains genres musicaux et certains musiciens ne sont pas acceptés. Les fanfares par exemple ne sont pas autorisées à se produire dans le métro, les musiciens qui jouent du djembé non plus. » La présence de professionnels de la musique lors de certaines auditions permet aux musiciens d'obtenir une certaine visibilité. Afin de faire la promotion des artistes accrédités, la RATP organise des évènements auxquels ils sont conviés. Des partenariats sont noués avec des promoteurs de différents festivals comme Solidays, qui dédie une scène aux musiciens du métro.
Toutefois, le dispositif mis en place par l’EMA pose la question de la légitimé des musiciens qui reçoivent le sésame. En effet, le modèle de sélection est essentiellement subjectif, sans prise en compte de critères professionnels pour la plupart. Aussi, il crée d’office une distinction entre les musiciens accrédités et ceux qui ne le sont pas. Pour le moment, la ville de Lyon ne prévoit aucune disposition pour délivrer des autorisations aux musiciens de rue. Ils sont donc dans l’illégalité.
IMAN NEBIE